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qu’ayant
été yokozuna, il ne peut être vaincu. Sur son
district doivent être élus douze nouveaux membres du
Parlement, mais il y a 134 candidats, dont certains ont des
réseaux d’influence bien ancrés au niveau local. Quand
les résultats des élections sont proclamés,
Tomojiro ne voit pas son nom dans la colonne des vainqueurs. En fait,
il vient de subir une écrasante défaite, terminant
70ème. En dépit de cet insuccès, Tomojiro ne
perdra jamais espoir et, consternant sa famille et ses amis, il se
porte à nouveau candidat pour un mandat politique et, une fois
de plus, il perd lourdement. Il dépense tout l’argent
reçu de la Kyokai durant la campagne politique, et doit
vendre sa maison et ses terres car il vient rapidement à manquer
de fonds. Il lui faut alors un travail – n’importe lequel. Tomojiro ouvre un cabinet de détective privé. Pour l’essentiel, son travail consiste à suivre des maris volages à la demande de leurs épouses. Cela ne dure pas bien longtemps car il est bien trop costaud, et on le remarque facilement lors d’une filature. Alors, grâce à un ancien supporter, il décroche d’autres emplois : tout d’abord, comme conseiller financier, puis plus tard comme représentant en assurances. L’habitude prise par l’ancien yokozuna de changer constamment de travail finit par avoir des conséquences néfastes sur sa famille, et sa femme finit par le quitter, emmenant avec elle son fils unique. Malgré ce drame, Tomojiro ne se laissera jamais aller, et il poursuit sa vie comme si de rien n’était. « Tu sais, je lui ai donné le peu que je pouvais avoir. Je n’ai aucune idée de l’endroit où elle a pu aller. J’ai mon propre petit appartement. Maintenant je peux vivre sans aucun souci. C’est super », dira Tomojiro à l’une de ses connaissances. |
En
1958, on demande à Tomojiro de participer à un film
hollywoodien réalisé par John Houston, avec John Wayne en
vedette. Le film s’appelle « Le Barbare et la Geisha », et
est basé sur l’histoire vraie d’un diplomate du nom de Townsend
Harris et de son séjour au Japon dans les années 1850 et
1860. Tomojiro se voit accorder un petit rôle comme chef d’un
gang de yakuza, et tourne plusieurs scènes avec John Wayne, qui
l’impressionne beaucoup. « Il était plus grand et plus
lourd que moi à cette époque, et solide comme un bœuf. Il
pouvait boire deux bouteilles de whisky sans sourciller ». En
fait, Tomojiro espère devenir un acteur reconnu et s’attend
fermement à ce qu’on le rappelle pour des rôles plus
importants. Mais si le film marche fort aux Etats-Unis et au Japon,
quelqu’un comme Tomojiro ne représente rien. Rapidement, son nom
et son souvenir s’effacent totalement de la mémoire collective. Un article de journal paraît durant le basho de janvier 1965, rapportant que le yokozuna Minanogawa réside dans un foyer pour personnes âgées, dépourvu de ressources et n’ayant pas même les moyens de s’offrir un paquet de cigarettes. Il s’est blessé le dos quelques années auparavant et a du être hospitalisé alors qu’il travaillait comme vendeur. Incapable désormais de travailler, et dépourvu de toute autre source de revenus, il est transféré dans un établissement nommé « Sunmail Showa », à l’ouest de Tokyo. Quand un journaliste vient le voir, Tomojiro est dans une chambre semi-privée. Il a 62 ans et ses seules possessions sont une trousse de toilette et une tasse à thé. Toujours accueillant Tomojiro ne paraît pas du tout anéanti par sa piètre situation. Ses seuls motifs de mécontentement sont la taille de son lit et des habits que l’on lui donne. Les membres de la Kyokai sentent alors qu’ils doivent faire quelque |
chose
pour soulager les soucis de l’ancien yokozuna, et ils font donc un
appel aux dons des rikishi et des oyakata. Cette nouvelle est
rapportée à Tomojiro, dont les attentes grandissent
puisqu’il finit par comprendre que les sekitori de cette époque
gagnent bien plus que lui ne touchait durant sa propre carrière.
Tomojiro effectue rapidement des plans sur cette inattendue
comète. Il se rend même chez un agent immobilier, pensant
qu’il pourra louer un appartement spacieux et, peut-être, se
réconcilier avec sa femme partie et son fils. A cette
époque un travailleur normal gagne environ 40 ou 50.000 yens par
mois, mais Tomojiro pense qu’il peut obtenir au moins 1.3 millions de
yens de la collecte de la Kyokai. Quand Tomjiro rencontre Tokitsukase oyakata, président de la Kyokai et ancien yokozuna Futabayama, il se voit remettre deux enveloppes – l’une de la part des rikishi et l’autre du président lui-même. Trop impatient de connaître le montant contenu dans les enveloppes, il se retire rapidement. Dans l’enveloppe des rikishi, il ne trouve qu’une infime partie de ce à quoi il s’attendait – 325.000 yens. Dans l’enveloppe du rijicho, il y a 100.000 yens, sans doute un don personnel de celui-ci. Tomojiro se sent totalement rejeté, réalisant que son rêve de réunion avec sa famille n’est que cela – un rêve. Il comprend qu’il ne peut même pas se permettre de louer un petit appartement pour un temps significatif. Pour lui, les dons n’ont aucune valeur. Lorsqu’il retourne au foyer, Tomojiro raconte à son camarade de chambrée combien la somme qu’il a reçue de la Kyokai est petite, et qu’il se fiche désormais de l’argent. Son camarade, toutefois, lui propose de faire fructifier son argent en pariant Suite |
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