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presque incrédule. « Oui ! », crie le jeune protégé, presque comme une recrue face à son officier. « Vraiment ! », demande l’oyakata. « Oui ! » En réponse à un geste de l’oyakata, Tomishima présente son bras pour une inspection. L’oyakata palpe le bandage, et remarque. « Ca fait mal là, alors ? ». « Oui ! », glapit le jeune protégé, soit par obéissance aveugle, soit à cause d’une forte douleur. Il n’est pas surprenant que Shikoroyama porte une attention particulière aux poignets de ses rikishi. Les poignets de Terao sont la base de presque toute sa carrière, du fait de leur usage pour les tsuppari dans presque 2000 combats professionnels. On raconte que juste avant qu’il ne prenne sa retraite, un docteur l’informa qu’il combattait en fait dans la première division du sumo (et y gagnait encore) avec les poignets d’une grand-mère de 80 ans. Pas étonnant alors que l’oyakata montre un grand scepticisme à l’égard de quiconque vient se plaindre d’une petite douleur au poignet ! Il est intéressant de noter que le bandage aura disparu du poignet de Tomishima lors de l’entraînement du matin suivant… Après l’examen du poignet, les combats d’entraînement commencent, avec Tomishima poursuivant sa bonne série quelque soit sa douleur pour remporter pratiquement tous ses combats. L’un des combats voit Shikoroyama parvenir au comble de l’exaspération. En dépit de son ‘je crois que ça va !’, ça ne va pas du tout pour Teraosho, qui après être apparu une fois de plus indigne de porter le shikona de Terao, se voit bombardé de consignes par son entraîneur alors qu’il est en train de combattre. |
Après
ce qui doit être sa dixième défaite
consécutive, l’oyakata l’emmène dans un coin et lui
conseille de ne pas laisser sa jambe droite autant vers l’avant.
Shikoroyama fait la démonstration de la position correcte
à adopter, et demande à son deshi de
répéter le mouvement à plusieurs reprises avant de
refaire son apparition au moshi-ai. Il se rassied ensuite, se tourne
vers le spectateur au journal et obtient après les avoir
demandées les pages du sumo. Sachant pertinemment que Homasho
n’a pas besoin de conseils pour savoir comment malmener ses tsukebito,
Shikoroyama regarde si la presse donne des conseils sur une
façon plus convaincante dont Homasho aurait pu battre Kokkai la
veille.
A ce moment, au milieu des respirations bruyantes et des quintes de toux, les deux jeunes deshi sont arrivés à épuisement de leurs lancers de sac de riz et se soulagent par des shiko. Toutes les minutes ou deux, ils se retournent vers leur oyakata, comme s’ils craignaient qu’il ne les admoneste. Quand il finit par lever les yeux de son journal, toutefois, leurs craintes se révèlent infondées. « C’est bon pour aujourd’hui. Allez vous changer », dit-il d’un ton sec, envoyant les deux novices se précipiter vers leurs serviettes et courir aux vestiaires. Vingt minutes plus tard, un petit regard à travers les portes coulissantes montre qu’ils ont été chargés de la préparation du premier repas de la journée. Si c’est bien le cas, l’oyakata doit avoir une confiance considérable dans les capacités d’organisateur du chef cuisinier de la heya, un jeune bien bâti dont le t-shirt blanc porte l’inscription « Love and Peace ». Je suis admiratif de voir avec quelle confiance Shikoroyama abandonne la préparation du repas à deux jeunes à peine capables de porter un sac de riz. Une fois encore, même si ces débutants n’ont pas envie de |
réaliser ce rêve, ces séances
d’instruction culinaire sur le tas peuvent s’avérer la plus
grande faveur que le sumo puisse jamais leur faire. S’ils devaient
échouer à parvenir dans l’élite que constitue les
quelques rangs salariés du sumo, ils se retrouveront avec une
qualité très utile leur permettant de gagner leur vie
après le sumo. Alors que les novices débattent sur le fait de savoir qui va découper quel ingrédient, je me pose la question de savoir comment ils perçoivent leur situation à l’instant présent. Quelles ambitions pourront-ils caresser ? Avec quelle impatience attendent-ils le jour où on ne leur interdira plus de pratiquer les exercices à plein régime ? Avec quel enthousiasme attendent-ils les séances de grand écart et les batailles de plus e plus furieuses ? Comment pensent-ils pouvoir jamais créer de l’émulation chez Homasho ? Et, bien qu’ils respectent leur oyakata comme l’image de l’autorité, ont-ils la moindre idée du grand combattant qu’il fut ? Du prestige qui vient de dire et savoir qu’ils sont entraînés par lui ? De la légendaire tradition de la famille Fukuzono de projection, dont ils sont censés hériter et qu’ils doivent perpétuer ? Alors que les aspirants stars de demain claudiquent vers la cuisine, une star d’aujourd’hui mène la brève prière qui suit les dix minutes de retour au calme. En l’absence de l’oyakata, qui est une fois de plus retourné dans ses quartiers, Homasho se lève, s’incline, frappe ses mains et presse ses mains charnues durant une seconde. Son tsukebito et l’autre deshi suivent le mouvement. On espère qu’en outre de leur propre bien être, ils prient tout particulièrement que les deux visages poupins en service de cuisine ne se découragent pas trop du sumo au cours d’une longue et dure année 2007.
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