Championnats du Monde de Sumo –
des chameaux et des hommes…

par Mark Buckton

Selon le mot de Richard Quest, chroniqueur économiste et présentateur engagé sur CNN, la définition d’un chameau est « un cheval façonné par un comité de direction ».

Quest est à l’évidence un expert du sumo amateur et pourrait par conséquent prendre beaucoup de plaisir à commenter ce sport car aucune autre métaphore comme celle du chameau ne rend avec autant de précision l’organisation et le fonctionnement des 14èmes Championnats du Monde de Sumo et des 5èmes Championnats du Monde de Shinsumo qui se sont tenus le 15 octobre à Sakai City.

Quand j’ai préparé le voyage d’Osaka pour représenter SFM dans ce qui est le dernier événement de sumo se tenant au Japon avant au moins 2009, le premier ennui a été d’ignorer les « petits soucis », comme la Fédération Internationale de Sumo oubliant d’avertir les media en langue anglaise de la conférence pré-tournoi (tenue à Osaka alors même que les principaux média et même la FIS sont basés à Tokyo), ou ne se souciant même pas de répondre aux questions préalablement envoyées par e-mail. Pas franchement une surprise après avoir déjà eu maille à partir avec la FIS depuis quelques temps déjà, mais les choses ne se présentent alors pas sous le meilleur jour alors que nous sommes encore à une semaine pleine du début du commencement du tournoi proprement dit !

MAIS… tout cela n’est qu’un amuse-bouche !

Le vendredi précédant le tournoi voit même l’actuel chef du sumo néerlandais et Secrétaire Général de Union Européenne de Sumo (UES), Stephen Gadd, expulsé de l’un des hôtels des athlètes pour des raisons encore « officiellement » inexpliquées, mais globalement liées à son bannissement des compétitions du Championnat du Monde comme le Président de l’UES Gunther Romenath. Ce dernier n’a pas été aperçu, et on suppose qu’il n’a pas fait le voyage.

On sait que Gladd et Romenath ont tout deux participé à l’échec de la Ligue Mondiale de Sumo de 2006 aux Etats-Unis – filmés en train de servir d’arbitres, pas moins, dans ce qui était un événement non reconnu par la FIS.

Le lendemain, alors que commencent les pesées pour chaque catégorie de poids et que certains rikishi entament leurs derniers entraînements, on peut apercevoir certains participants – ces hommes et ces femmes qui font le sumo amateur – errer dans les rues de Sakai, plutôt désorientés. Les horaires, les lieux de rendez-vous et les procédures à suivre, une fois arrivés, sont autant de questions qui me sont posées puisque, encore une fois, rien de bien défini ne vient des organisateurs.

Alors que ce jour inhabituellement chaud pour la saison s’achève, on peut alors sentir la tension monter et l’air dans la ville en devient presque irrespirable. Mais alors, les choses parviennent à leur paroxysme le samedi soir, lors du grand rendez-vous et du dîner de bienvenue.

Essayez de vous représenter la scène – comme je dois le faire moi-même, puisque chose étrange, la presse n’y avait pas été conviée – des représentants de nations venus de toute la planète, assis côte à côte, par ordre alphabétique. Les plaisanteries évacuées, alors – selon une demi-douzaine de sources que j’avais dans l’endroit – c’est le chaos qui s’installe.

Pareils à des enfants fâchés, les alliés européens connus pour être des partisans des absents Gadd de Hollande et Romenath d’Allemagne (l’Autriche, l’Allemagne et la Finlande) se lèvent, interrompant l’ordre du jour, et demandant des réponses sur un sujet qui a pourri la majeure partie de l’année 2006 : « Pourquoi nous (les Européens) ne pouvons pas aussi gagner notre croûte grâce à ce sport ? Vous les Japonais profitez des gros tournois, pas nous ! ».

Chose amusante, en effectuant ces réclamations, les rebelles demandent à d’autres de les soutenir ; peine perdue vis à vis de l’Irlande, victime d’un manque total de soutien de la part de l’UES quand ils faisaient de leur mieux pour rejoindre la FIS.

De fait, face aux Européens qui cherchent encore des réponses, on dit que le Président Hidetoshi Tanaka ignore les questions et quitte alors la salle. Peu de temps après, on l’aperçois monter dans une voiture pour regagner son hôtel – ses employés restant sur le pavé, à le saluer et lui dire au revoir.

Le lendemain, dimanche, le soleil se lève sur une magnifique journée sur Sakai, et bien que l’on chuchote encore des évènements de la veille tout autour du stade d’Ohama, près du port de Sakai, les choses semblent plus policées.

L’attention se porte, comme se doit, vers le sumo et les hommes et femmes du monde entier qui ont fait l’effort physique et financier de venir ici participer au point fort de leur année de sumo. Et il faut donc bien dire, et ce sans aucune réserve, que l’écrasante majorité mérite un énorme coup de chapeau pour ce qu’ils amènent à Sakai, ce jour-là.

La plupart s’en retourneront après à une vie d’anonymat relatif et à d’innombrables heures d’entraînement après le tournoi, tandis que pas mal de Japonais se tourneront vers l’ozumo.

« Ce n’est ni l’endroit ni le moment », déclarent deux présidents nationaux, face à la possibilité « qu’il n’y en ait que pour les locaux et rien pour les invités » d’un côté, et au risque d’une sécession de l’UES d’autre part.

Dans la documentation remise à la presse, on constate que la Chine et l’Irlande sont donnés comme primo-participants, mais une conversation plus tard dans la journée avec le Président de la Fédération Israélienne de Sumo m’apprendra que cette nation est également représentée pour la première fois. Une nation dénommée Etat Uni d’Amérique (sic) est également au programme !

Ce jour-là, aucune nation ne symbolisera autant l’esprit du sport – de tout sport – que l’Irlande, représentée par le Président de Sumo Ireland, Colin Carroll, et son adjoint Graham Little, et par une petite suite de compatriotes se rassemblant au Japon. Carroll est suivi comme son ombre toute la journée par son entraîneur et ami Little, et on peut le voir faire le tour de tous les amis anglophones qu’il a pu se faire au cours des jours précédents, en quête d’infos sur son adversaire du premier tour – le champion sortant Vitaliy Tikhenko d’Ukraine.

Bardé de conseils, il dispute plus tard son tout premier combat en compétition officielle en tant que premier représentant de l’Irlande, mais un quart de seconde après avoir lancé sa tête pour placer un bon mouvement offensif, il se retrouve en l’air. Henka ! Une henka de Tikhenko ! Une henka du Champion du monde!

Carroll est également suivi, durant tout le week-end, et durant l’ensemble de son séjour au Japon, par une équipe de télévision de l’Ulster, et même parfois par un photographe de Reuters. Il est sans nul doute l’une des stars du spectacle, quelque soient ses résultats. Et en tant que premier représentant de l’Irlande à combattre à ce niveau, il sera, en compagnie de Little, l’un de ceux qu’il faudra suivre lors du prochain championnat de 2007 en Suisse. Tout deux ont l’intention d’y être en compagnie d’un eéquipe qui s’entraîne actuellement en Irlande.

Durant toute la journée, on pourra voir une centaine d’autres exemples de rikishi amateurs qui participent à ce sport pour toutes sortes de bonnes raisons, des raisons qui n’ont nul besoin d’être explicitées sur papier ou écrans d’ordinateurs et qui sont similaires dans toutes les langues. Le fait est que le sumo amateur peut malheureusement être défini aujourd’hui en deux lettres : H et P, pour « Hommes » et « Politique ». L’un sans l’autre serait l’idéal mais bien moins amusant ou moins alambiqué.

Pour ceux qui s’intéressent au sumo amateur, choisissez votre lettre et installez vous…

Quelques anecdotes, regroupées sans ordre particulier, à l’attention des « chameaux » qui lisent ce papier :

Sakai, ville hôte du Championnat, est a 15ème ville du Japon et est connue comme la Venise d’Orient. Que les Vénitiens aient connaissance de cette comparaison est incertain.

L’équipe du Japon ou des participants individuels ont été souvent aperçus vers la table du Président Tanaka et madame, s’inclinant assez pour leur donner de sérieux soucis de vertèbres et faisant lever le sourcil aux moins habitués des participants.

Comme c’était déjà le cas en 2005, la cérémonie d’ouverture, pour des raisons connues seulement des « chameaux », s’est tenue à 1300, en plein milieu de la journée et quatre bonnes heures après le début des combats ! Allez comprendre.

Un célèbre Russe (selon sa propre expression) – Roho, bien connu dans l’ozumo – a été aperçu en visite, causant quelque émoi. Quand SFM lui a demandé les raisons de sa visite depuis Tokyo, il a répondu la banalité selon laquelle il était là pour « soutenir son pays et ses camarades Russes ». Il ne sait sans doute pas ce que ce genre de phrase peut provoquer sur les forums en ligne.

Aucun Sud-Africain n’a fait le voyage cette fois-ci, peut-être en raison du décès du précédent champion poids lourds Deon Britz – à l’âge bien trop jeune de 32 ans.

Le rikishi britannique en poids lourds avait probablement reçu le même entraînement limité que son homologue poids légers de l’an dernier, et pensait qu’un air menaçant serait suffisant pour passer. Il n’en a rien été, et tous les efforts des hommes britanniques sur les quinze dernières années ont été réduits à néant par l’une de leurs femmes, qui s’est adjugé l’argent pour son tout premier tournoi – la première médaille de la Grande-Bretagne.

Cette fille d’outre-Manche a été filmée lors de son moment de gloire par une équipe de Channel Four et devrait apparaître sur les écrans britanniques un peu après Noël, d’après l’équipe journalistique.

L’ensemble des rikishi japonais doivent avoir reçu une admonestation tranquille sur le tachiai, puisque celui-ci a été bien meilleur que l’an dernier. Pas encore parfait, mais il n’y a pas eu de récriminations dans la foule cette fois-ci.

L’équipe suisse – les prochains hôtes des Championnats – n’a pas participé, donc j’imagine que le passage de drapeau a du requérir pas mal de timbres…

Hanah Weerkamp, 26 ans, de Hollande, enseignante en école primaire le jour, a passé un bon tournoi et remporté une troisième médaille consécutive dans la compétition poids moyens. Très populaire, Hanah a été difficile à rattraper pour une interview, mais celle-ci devrait être publiée prochainement.

Le voyage de la délégation israélienne a été entièrement financé par leur président, Eldad Ben-Horin, propriétaire d’un club d’arts martiaux en Israël et un homme très agréable.

Les Tongiens, quand je leur ai posé la question de leur participation en Suisse en 2007, ce qui leur ferait un voyage aux antipodes, ont évoqué un thème commun – les finances et leur désir de voir la FIS y contribuer un peu plus activement.

Beaucoup de rikishi n’ont pas vraiment compris comment cela se passait dans les journées précédant le 15, et l’unique compétiteur venu de Géorgie, Tedo Rtveliashvili, a été pris sous leur aile par les membres de SFM Howard Gilbert (également entraîneur de Nouvelle Zélande), Carolyn Todd, et moi-même ainsi que le presque légendaire (dans le monde de l’amasumo) télégénique capitaine du club de l’université de Tokyo Petr Matous, de la République Tchèque. La FIS n’a pas amené d’assistant parlant le géorgien et le pauvre gars est resté assis tout seul la plupart du temps, bataillant avec son japonais limité et aidé par un vieux monsieur serviable.

Ce même compétiteur géorgien a pu parler au (Géorgien) Tochinoshin de la Kasugano-beya – grâce au cellulaire de SFM – et réfléchit apparemment à l’opportunité de rejoindre l’ozumo. Malheureusement, il a perdu le seul combat qu’il a eu à disputer.

Channel Four (GB) et Ulster TV (Irlande) n’ont pas été les seules télévisions à venir puisque plusieurs équipes étrangères étaient présentes, y compris un trio (USA/Bulgarie/Ecosse) couvrant l’équipe bulgare dans le cadre d’un projet pour un mastère  de l’université d’Edimbourg. Quand le film sera en ligne, nous vous tiendrons informés dans ces colonnes.

Le gentil géant Andrew Perenara de Nouvelle Zélande a fait accrocher son drapeau maori dans les travées du stade – et a réussi a me tenir la jambe un moment pour une petite leçon d’histoire appliquée.

Hong Kong disposait d’un large contingent suite au fameux combat de 2005 entre la si joliment nommée Angel Mak (alors 55 kg), interviewée ici (LIEN) et la Hongroise Anna Joseph (168 kg). Attendez vous à ce que Mak et le reste de la délégation de Hong Kong fassent briller leur sumo auprès des masses des îles méridionales de la Chine, et la Suisse semble s’imposer pour eux.

Les Mongols étaient présents en force et bien plus sonores que l’an dernier. Kyokushuzan de l’Oshima-beya n’était pas là cette fois-ci.

Le rikishi de makushita Kazafuzan était présent – pour soutenir le Kazakhstan, bien entendu – grâce aux efforts de Katrina Watts et à la générosité de Nikishido oyakata, l’ancienne « Salière » Mitoizumi.

Shikoroyama oyakata    (l’ancien sekiwake Terao) a passé environ une heure discrètement placé à l’arrière du stade avec un ou deux assistants – en repérage ?

L’Association de Sumo estonienne serait en train de construire un nouveau stade de sumo en prévision de 2008 et se concentrera sur Rakvere, en s’étendant peut-être sur Tallin.

Un « Fan Club International de Sumo » est en train d’être fondé par deux Estoniennes habitant en Norvège – dont l’une est une ancienne compétitrice qui a participé aux jeux d’Akita il y a plusieurs années. Plus d’infos bientôt sur le Net.

Selon des sources internes, la FIS devra se passer en 2007 des services de Tamaki Nishida, dont le nom était presque synonyme de sumo amateur depuis près de dix ans.

Enfin, et pour conclure, sur 85 nations enregistrées, bien moins de la moitié – 37 – ont fait le déplacement. Voilà le sujet de réflexion majeur pour la FIS dans sa prochaine candidature pour les JO.

Les chevaux sont moins bizarres et tordus que les chameaux. Ils sont plus beaux aussi.


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