S.O.S. (Shinjinrui on Sumo)
par Chris Gould

Dans ce dernier volet de sa trilogie, Chris Gould s’intéresse aux barrières structurelles qui, aux dires de tout le monde, apparaissent comme empêchant les moins de trente ans au Japon de profiter du sumo.

10 janvier 2007. Une autre journée en pleine semaine, un autre Kokugikan à peine à moitié plein. Un Anglais abattu, qui s’est brièvement absenté de l’enceinte pour une photo, ne parvient pas à cacher ses sentiments quand il est accueilli par son placeur favori. « Konde imasen, ne ? » (Foule, y a pas, hein ?), déplore l’Anglais, dans un japonais que l’on décrira gentiment de ‘petit nègre’. Un oyakata qui se trouve tout près, et que ça démange visiblement de briser la monotonie du code de conduite, entend ma remarque et offre une réponse. « Attendez ce week-end. La foule viendra », me traduit le placeur.

Effectivement, le week-end arrive et les foules avec ; les bannières man’in rei (guichets fermés) sont hissées le samedi et le dimanche suivant. Mais le doute continue à s’immiscer dans mon esprit. Je passe une bonne partie de la huitième journée à me demander tout simplement comment la NSK, qui comprend une liste de salariés englobant des centaines de lutteurs, oyakata, officiels, guides et manœuvres, peut demeurer solvable avec une moyenne de spectateurs de 6000 personnes. Si un club de foot, de cricket ou de rugby, ou même de tennis, devait se trouver dans une situation identique, elle ferait faillite en moins d’un mois. Le soutien financier vital des koenkai, kanemochi et autres sponsors officiels me saute désormais aux yeux, aussi bien que les limites supposées de ces mécènes à tirer d’affaire le sumo. Je ressens tout simplement que la vie serait bien plus simple pour la NSK si toutes les places lors des tournois étaient vendues.

Au cœur de la question de la désaffection du public, bien sûr, il y a les jeunes Japonais. Bien que le terme de ‘shinjinrui’ (‘nouvelle race’) ait fini progressivement par disparaître de la phraséologie sociale du Japon, je me suis permis de l’appliquer aux jeunes Japonais d’aujourd’hui car leur point de vue est sans conteste différent de celui des anciennes générations. Les deux numéros précédents ont abordé pas mal de théories sur les raisons pour lesquelles les shinjinrui s’intéressent si peu au sport national japonais, mais ne se pourrait-il pas tout simplement que de simples barrières structurelles (financières, géographiques, logistiques et d’organisation) soient la raison qui empêche les shinjinrui d’entrer dans la danse ?

Des tickets d’entrée trop chers ?

« Ce n’est pas que je ne veux pas venir voir du sumo » me dit Hiroshi, un personnel embarqué de 25 ans. « J’admets qu’il est difficile de se rendre aux combats en journée, mais ce qui m’en empêche le plus est le prix ».

Mes entretiens avec les shinjinrui me confirment qu’en la circonstance Hiroshi parle pour bon nombre de ses pairs. La raison la plus usuelle pour laquelle les jeunes ne vont pas voir le sumo est le coût du billet d’entrée. Pour reprendre les mots de la journaliste Liliane Fujimori : « les prix sont plutôt élevés, et… les personnes de revenus modestes n’auront, cela ne fait pas de doute, pas la chance de voir du sumo sur place et se contenteront des retransmissions télévisées ».

Le ticket le moins cher pour un basho à Tokyo est le ‘pass journalier’, dont le prix tourne autour de ¥ 2.100 (€13). Toutefois, peu de shinjinrui sont prêts à faire la queue dès 05h45 pour décrocher l’un des 500 pass vendus quotidiennement, surtout pour la maigre récompense d’un siège en arrière salle. La gamme de prix suivante pour des tickets est à ¥3.600 (€23), et donne à l’acheteur un ticket placé juste deux rangées plus près de l’action que le ‘pass journalier’. La vue de ces sièges est assez satisfaisante, mais si un jeune n’envisage de ne regarder deux heures à regarder la makuuchi, les tickets à ¥3.600 représentent une sortie plutôt onéreuse.

Pour être sûr qu’un sumotori pourra entendre leurs cris d’encouragement, les jeunes doivent parvenir à acquérir un masu-zeki, un box de quatre zabuton dans le premier tiers du stade. Malheureusement, toutefois, c’est le masu-zeki qui est à l’origine du sentiment chez les jeunes que les prix du sumo confinent à l’extorsion. Le prix moyen d’un box est de ¥40.000 (€250), ce qui revient à €63 par personnes, un tarif que bien des jeunes de moins de trente ans ont autant de chance de pouvoir payer qu’ils n’en ont de trouver trois amis pour venir avec eux au sumo.

Lors des deux dernières fois où j’ai pu m’asseoir dans les masu-zeki, un rapide aperçu de mes voisins m’a montré que ces box attirent des gens d’un certain milieu. Ma collègue, une élégante dame dans sa soixantaine habillée d’un kimono, était mariée à un grand dirigeant de société. Le couple accompagné d’amis sur ma droite avait vécu deux ans en Angleterre dans le cadre du travail de haut niveau du mari. Le lendemain, un couple bien mis, entre deux âges, et accompagnant une grand-mère férue de sumo, derrière moi, tandis que sur ma droite, quatre businessmen en complet veston s’amusaient (et m’ont donné le sentiment que les dernières 90 minutes d’action à elles seules valaient la dépense). Les occupants de masu-zeki seront bien plus dans la cinquantaine que dans la trentaine, et il est presque certain qu’ils rassembleront des gens de la classe des sarariman ou au-dessus. Bref, ce profil est à des années-lumière de celui d’un furita de 25 ans au revenu modeste.

Il est par conséquent d’une importance vitale pour la NSK de rappeler aux shinjinrui que bien que les masu-zeki sont chers, ils ne sont en fait pas hors de portée. La NSK doit répéter que les journées débutent à 08h30, bien avant que l’on ne fasse même chauffer les caméras, et devrait conseiller aux jeunes de se faire ‘une journée sumo’ (généralement le week-end) quand ils se rendent au stade de sumo.la NSK doit rappeler sur la place publique le fait que la plupart des spectateurs n’arrivent pas avant 14h00, et que les jeunes qui ont acheté des tickets moins chers peuvent parfaitement emprunter les masu-zeki jusqu’à la venue de leurs propriétaires légitimes. Bien qu’ils ne pourront être tout proches des Asashoryu ou Kotooshu, les jeunes acheteurs de tickets pas chers peuvent toujours avoir un avant-goût de l’excitation qui vient d’être assis très près d’un combat de jonokuchi, jonidan ou de sandanme, et ils peuvent prendre de superbes photos.

La NSK doit aussi étendre son système de ‘pass journalier’ pour traiter le problème de la sous-affluence les jours de semaine. Il a été bien triste de noter que la magnifique victoire de Dejima sur Asashoryu, l’une des plus grosses surprises en basho de ces cinq dernières années, n’a été vue que par à peine 4000 personnes lors de la troisième journée de l’Hatsu. Ayant conscience des ventes très faibles de billets, la NSK aurait du placer tous les billets de la troisième journée en vente à des prix sacrifiés dès la fin de la deuxième journée. Le bureau des ventes aurait du ouvrir ses portes durant une heure et demie après six heures du soir, dans l’espoir d’allécher les fans qui n’étaient venus que pour la deuxième journée, mais pourraient se voir tentés par des prix sacrifiés pour la journée suivante. Ce type de tarif aurait pu continuer alors de neuf à seize heures jusqu’à ce que les sièges soient remplis.

Il y a, bien entendu, deux problèmes qui apparaissent avec cette approche. Premièrement, les consommateurs avisés pourraient tout simplement ne jamais acheter leurs tickets à l’avance dans l’espoir d’obtenir à chaque fois des réductions. Cela pourrait causer une perte de revenus pour la NSK et pas mal de cauchemars logistiques engendrés par les venues en masse d’acheteurs de dernière minute venus au Kokugikan. La NSK pourrait résoudre ce problème en décrétant que les tickets à prix réduit ne son valables que pour la journée entière, laissant une raison aux aficionados de les acheter à l’avance. Le second problème est que la NSK pourrait voir dans des tickets à tarif réduit l’admission gênante d’une baisse de popularité du sumo. Elle doit donc réfléchir pour déterminer s’il n’est pas plus embarrassant de voir des sièges vides que de trouver des solutions pour les remplir.

Accessibilité ?

Même si l’on rend le prix des tickets plus attractif, certains jeunes se plaindront encore de ce que le sumo n’est pas assez accessible. « Les basho ne se déroulent jamais là où je vis », est une rengaine bien connue.
Depuis longtemps, le sumo a cherché à rectifier une telle perception au travers du programme de jungyo, qui emmenait les plus grands sumotori dans des villes lointaines entre les basho, et s’assurait que les tournois d’exhibition de dérouleraient à des endroits qui ne pourraient jamais caresser l’espoir de voir un tournoi de sumo. A la grande époque, les jungyo faisaient salle comble pendant des journées entières et ravivait sans conteste des soutiens lointains au sumo. Mais ces dernières années, il semble que la demande pour des jungyo de soit tarie. L’exemple le plus tristement frappant en est la fin de la tournée jungyo de Sapporo, qui rassemblait les foules durant quatre journées consécutives, mais lutte désormais pour vendre tous les tickets d’un évènement désormais réduit à une journée. Bien que de nombreux oyakata se soient vus demander, à diverses époques, de revoir le système, et qu’il semble qu’en 2006 plus de jungyo se soient déroulés, la question demeure de savoir si les jungyo sont le meilleur moyen d’amener les masses vers le sumo.

Pour être on ne peut plus clair, on doit continuer à faire venir les jungyo partout où ils restent populaires. Quand il s’agit de convaincre qu’on est un investissement rentable de temps et d’argent, il n’est pas de meilleure arme que le contact personnel. Toutefois, la véritable force de la NSK réside dans le contact très proche, et doit impérativement faire l’objet d’une publicité active.

Sa première force – la possibilité de voir de l’action en gros plan pour quiconque arrive tôt – a déjà été abordée ici. Le deuxième atout réside dans l’accessibilité des lutteurs eux-mêmes. Globalement, le sumo professionnel n’a pas une mentalité de forteresse assiégée comme, par exemple, le cricket international ou la Premiere Ligue de Foot anglais, ce qui a pour conséquence des sessions d’entrainement de stars à huis clos, parfois même derrière des portes blindées. Dans le sumo, pour autant que la heya ne soit pas empêtrée dans des problèmes financiers, ou minée par des conflits internes, ou encore qu’elle n’ait pas digéré de vieilles expériences déplaisantes avec des visiteurs ou des étrangers, les jeunes auront une possibilité optimum d’être à proximité de leur rikishi favori. Si un shinjinrui téléphone à la heya la veille, ou demande gentiment et en personne, il aura la possibilité de s’asseoir tout près de ses héros du sumo pendant plusieurs heures lors d’un asageiko, et aura sans doute l’occasion de leur parler ou de leur demander une photo (lors de tournois amateurs, il est encore plus facile d’aborder et de photographier les stars). Même si une heya proscrit l’asageiko aux spectateurs, les lutteurs de divisions inférieures et d’anciennes gloires du sumo peuvent être aisément aperçus dans les couloirs du Kokugikan, souvent en train de faire la queue dans un des nombreux snacks du complexe. Il est plus avisé d’approcher ces personnes par l’entremise de quelqu’un qui les connaît, mais même si cela n’est pas possible, certains anciens sumotori engageront avec plaisir la conversation si vous les surprenez par la connaissance de détails sur leur carrière en activité !

Comme l’éditeur en chef de SFM l’a souligné dans un autre texte, le sumo professionnel devient lui aussi de plus en plus accueillant envers les fans non-Japonais. Au moins deux des ouvreurs du Kokugikan ont un niveau respectable en anglais, tandis que des guides et des torikumi en anglais sont disponibles gratuitement. Le site de la NSK a, bien entendu, sa version anglaise, tandis que des heya comme la Musashigawa dirigent des chatrooms en anglais.

Comme il a été mentionné plus haut, certains Japonais argueront du fait que tout cela n’est disponible qu’à ceux qui vivent physiquement suffisamment près pour assister aux keiko ou aux basho. Cela dit, je trouve l’argument, selon lequel les affluences du sumo sont faibles parce que le sumo se tient dans trop peu de villes, pour le moins difficile à soutenir. Pour commencer, certains des non-fans de sumo qui me l’on servi vivent dans l’une des quatre cités qui accueillent un honbasho ! Le problème n’est certainement pas de savoir si le sumo est géographiquement accessible à tous, mais si le sumo est géographiquement accessible à un nombre suffisant de personnes pour que chacune des places d’un tournoi soit vendue. Cela devrait être vrai, si l’on tient compte que les populations cumulées de Tokyo, Osaka, Nagoya et Fukuoka arrivent au chiffre de 14 millions (18.5 si l’on prend le Grand Tokyo). Si ne serait-ce que cinq pour cent de ces personnes étaient encouragées à assister à une ou plusieurs journées d’un tournoi, il y aurait rapidement pénurie de places disponibles !

Le domaine dans lequel réside le point névralgique du problème d’accessibilité du sumo est, bien entendu, celui des droits des femmes. Personne ne viendra dire que celles-ci ne sont pas traitées correctement mais la réalité demeure que, en raison de la déférence envers les coutumes shinto, les femmes sont interdites d’accès sur un dohyo. La complète absence de femmes sumotori et de responsables est particulièrement visible aux yeux de jeunes femmes non-Japonaises de l’assistance. « Vous voulez dire, il n’y a vraiment aucune présence féminine de quelque sorte que ce soit ? », m’ont demandé deux étudiantes canadiennes cinq minutes à peine après leur entrée dans le hall. Je n’ai pu que répondre en soulignant le fait que le sumo amateur, non lié par les coutumes shinto, est très accessible aux femmes, et peut représenter la clé de la future popularité de ce sport.

Sport Olympique ?

Dans les hautes instances du sumo amateur, il existe un fort sentiment de ce que la notoriété du sumo se verrait largement accrue par un statut olympique, avec un accroissement conjoint des investissements qui aboutirait par conséquent à une plus grande popularité international de la discipline. Toutefois, la représentation olympique ne pourra jamais devenir une réalité sans le consentement de la NSK, ce qui ne semble pas près d’arriver au moins dans l’immédiat. Plusieurs personnages de la NSK, dont un ancien yokozuna, ont déclaré que le statut olympique ne relèguerait pas seulement le sumo d’une forme d’art à un sport ordinaire, mais qu’il entraînerait une rupture du sumo d’avec les traditions japonaises qui sont consubstantielles de son identité. En outre, ils maintiennent qu’alors que les athlètes olympiques verraient le sumo comme un simple « boulot », un passe-temps pouvant être pris et abandonné à intervalles réguliers, le véritable sumo est un « mode de vie » et requiert un engagement total. En raison de sa déférence envers une religion shinto qui infériorise les femmes, la NSK s’oppose en outre à l’idéal olympique qui stipule que les hommes et les femmes ont les mêmes droits à participer aux compétitions.

L’espoir avait fleuri que si Osaka avait remporté l’organisation de Jeux Olympiques de 2008, la gouverneur, passionnée de sumo, de la ville aurait patronné l’introduction du sumo comme sport olympique ici, espérant sans doute que le contexte aurait calmé le ton de la NSK. Hélas, les Olympiades de 2008 sont allées vers Pékin, et bien que les jeux suivants aient été accordés à une ville souvent décrite comme la plus ouverte au monde (Londres), les pratiquants du sumo amateurs sont pessimistes quant aux chances de leur sport d’y apparaître. Une source maintient que le sumo olympique pourrait devenir réalité en 2016, mais son visage s’assombrit quand on vient à aborder les possibilités d’un consentement de la NSK.

Si les résistances à l’accréditation olympique du sumo sont basées uniquement sur la volonté unique de préserver les traditions japonaises du sumo, alors une telle opposition apparaît de plus en plus vide de sens. Même si l’on met de côté ceux qui remettent en question les racines japonaises du sumo, le fait est que plus de 80 pays autres que le Japon ont fondé des associations de sumo, indépendamment de la reconnaissance olympique. Des tas d’hommes différents sur toute la planète réinterprètent depuis bien longtemps le sumo à leur manière, et l’adaptent pour qu’il colle à leurs propres styles de vie. Des tournois de sumo amateur – tel l’US Sumo Open – sont organisés, et rassemblent des foules, tous les ans. Beaucoup de participants à ces compétitions sont des femmes. Au vu de ce contexte, le sumo olympique ne ferait que donner une consistance à ce qui existe déjà.

D’un autre côté, toutefois, le statut olympique ne doit pas être brandi comme le remède universel aux soucis que connaît le sumo. Il est vrai que cette reconnaissance permettrait sans doute au sumo d’arriver dans des foyers qui autrement ignoreraient tout de ce sport, , tandis que le sumo féminin recevrait lui aussi un large soutien, mais il est également vrai que les récents ajouts à la famille olympique, comme le curling, ne se voient accorder qu’une part infime de l’attention médiatique, tandis que (en Grande Bretagne au moins), des personnages clés dans certains des sports olympiques les plus reconnus, comme la gymnastique ou le ski, se plaignent régulièrement de sous-exposition médiatique et de manque de soutiens financiers gouvernementaux.

Conclusion

Etant donné le ton de certains paragraphes, on pardonnera au lecteur de penser qu’aucun jeune ne regarde du tout le sumo. Je dois dire ici que ce n’est pas le cas. Certains shinjinrui viennent voir du sumo, mais pas assez. La composition des foules des récents tournois de Tokyo suggère que plus de shinjinrui essaient de venir voir le sumo ; mais regardez un match de foot ou – si vous pouvez supporter ça – un show de soirée pour tarento tel que Music Station, et vous verrez bien plus de jeunes, particulièrement des femmes, que vous ne pourrez jamais en voir dans une enceinte de sumo.

Au rang des choses inclinant à l’optimisme, on a pu observer une augmentation considérable de jeunes non-Japonais venant assister à des tournois de sumo. Certains y ont à l’évidence été encouragés par des amis japonais, mais d’autres ont été attirés par une originale campagne de l’office de tourisme qui a présenté le sumo comme ‘une expérience purement japonaise’ qui se doit d’être un must pour tout gaijin. Cette tactique de marketing s’avère être avisée ; le nombre de touristes étrangers au Japon a presque doublé entre 1996 et 2006.

Un autre point positif est que le Kokugikan abrite des preuves éclatantes qui montrent que peut-être, juste peut-être, l’attitude des shinjinrui envers le sumo est en train de s’améliorer. Les jeunes femmes qui se lèchent les babines en photographiant la poitrine de Kotooshu sur le bord du dohyo, que l’on peut mettre en parallèle avec le livre de Hanako Dosukoi ‘Cute Sumo’, pourrait bien apparaître comme un inattendu renouveau du concept de sex-appeal des sumotori. Dans le même temps, bien des jeunes femmes dans le public semblent ressentir une sorte d’affinité avec la personnalité extravertie d’Asashoryu, et voient les gestuelles mécaniques d’avant-combat de Takamisakari comme celles d’un comédien plutôt amusant. Toutefois, je demeure moins convaincu que la NSK que de tels changements sont un cadeau attendu de Mère Nature ; que le sumo mérite automatiquement un retour de popularité après plusieurs années de disette.

Si la popularité du sumo a jamais suivi une évolution cyclique, alors ce cycle s’est achevé quelque part au début des années 1990. Pendant de nombreuses années, la diminution du soutien de base du sumo a été masquée par l’apparition des Taka et Waka, dont la personnalité médiatique touchait fortement les shinjinrui. Mais la bulle Taka-Waka masquait toutefois le fait indéniable que les supporters les plus acharnés du sumo vieillissaient et étaient – pour toutes sortes de raisons – incapables de transmettre leur amour du sport à la jeune génération. Quand la prolifération des tabloïds et la culture tarento ont mis l’accent sur la jeunesse, et son ressenti, comme jamais auparavant, le sumo a rapidement semblé prendre un gros coup de vieux, et est soudainement apparu comme tristement en opposition avec les valeurs de la société qui l’environnait. Le sumo s’est vu ostracisé par les moins de trente ans sur une échelle sans précédent, englouti par la myriade des sports nouveaux, de meilleures technologies de communication  et un consumérisme inédit qui ont pénétré la conscience des jeunes. Si le changement d’attitude subséquent des jeunes est irréversible – et tout indique qu’il peut l’être – alors on ne peut plus parler de phénomène cyclique.

A l’inverse, le sumo professionnel est en danger de paraître devenir une fête politique traditionnaliste en piteux état. Il paraît refuser le fait que le monde a changé, qu’il ne peut plus gagner suffisamment de soutiens en prêchant aux convertis, simplement parce que les rangs desdits convertis sont de plus en plus clairsemés. Il a des difficultés à se mettre en phase avec les changements de public, ayant échoué à comprendre que ce public est fait de consommateurs qui recherchent le meilleur compromis, et non d’individus qui s’attachent pour toujours à une dévotion dans le sumo. Certains points que le sumo développe peuvent parler au public, mais quand ce public doit approuver l’ensemble, il le rejette généralement en faveur d’alternatives plus modernes. Le fait demeure qu’une moyenne de 3500 billets sont invendus à chaque journée d’un basho de Tokyo (une moyenne qui s’élève à Fukuoka), et que les relations entre la communauté du sumo et les shinjinrui sont loin d’être parfaites. Je me réjouis que le sumo cherche à préserver la fascinante tradition des samurai, pour que les gens de ma génération puissent continuer à avoir une vision d’un monde disparu. Puisse cela continuer longtemps encore. Mais le sumo a besoin de réparations s’il veut repartir du bon pied au 21ème siècle, et de nouveau conquérir les cœurs des Japonais. La rengaine des réformateurs reste toujours centrée sur le thème : « La fin doit rester identique, mais les moyens de l’atteindre peuvent évoluer ». J’espère que cette philosophie commencera au moins à pénétrer le sport national japonais dans les années à venir. Comme cette trilogie a pu le démontrer, il y a de la place pour la réflexion.


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