Le Coin des Menko
Les bases des Sumo Menko

par Ryan Laughton

Cinq mille yens : c’est tout ce qu’il m’a fallu pour entamer ma collection de sumo menko. C’est la somme que m’a réclamée une gentille vieille dame dans une boutique à l’ancienne de Kyushu, pour une boîte scellée de sumo menko 1958 Dash 7-8. Il y en avait deux en fait, mais je ne sais encore pas pourquoi je n’en ai pris qu’une seule. Je garde toujours le lieu secret, dans le secret espoir que je pourrai y retourner un jour pour acheter celle qui me manque. C’était il y a sept ans, et j’espère toujours que la boîte s’y trouve encore.

Bonjour des Etats-Unis ! Je m’appelle Ryan Laughton, et ma passion pour la collection des sumo menko m’a amené à écrire une série d’articles pour présenter cette petite part méconnue de l’histoire du sumo.

Pour ceux d’entre vous qui collectionnent d’ores et déjà des cartes de sumo, qu’elles soient neuves ou anciennes, j’espère que cette information pourra vous être profitable. Pour les autres, j’espère vous éclairer sur ce qui fut une partie majeure de la culture des écoles du Japon dans les années 1940, 1950 et au début des années 1960. L’essentiel de ce que je vais aborder se retrouve dans le lien qui est mentionné dans les Kokugi connections mais une bonne part sera également inédite. Concernant différents sujets afférents aux sumo menko.

Comme dans toute discussion, n’ayez pas peur de lever votre main pour poser toute question utile, ou même me faire des suggestions.

Dans ce qui je l’espère sera un voyage enrichissant et informatif sur le chemin d’une meilleure connaissance des sumo menko, ce premier article va bien entendu porter sur l’histoire, le jeu et les règles des sumo menko. Voilà pour la base. Dans le prochain article, je développerai les méthodes pour collectionner les sumo menko et la présentation de base d’un sumo menko. Nous parlerons aussi de l’impression et des techniques de fabrication, et de ce en quoi ces éléments ont affecté le jeu en lui-même. Dans le troisième article de la série je m’attarderai sur les techniques d’identification et sur le côté « loterie » des menko à leur apogée.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me faut préciser que les mots « menko » et « carte » sont interchangeables, mais en tant que puriste à un certain degré j’aime employer le vocable de sumo menko au lieu de carte de sumo. En fait, le terme de menko recouvre un sens bien plus profond que celui de carte. Vous mettrez un peu de temps à vous y habituer, mais une fois ce temps cela coulera de source.

Les menko font référence à un morceau de carton ou de papier fort avec une sorte d’image sur le devant. Menko signifie littéralement « petit objet avec un visage ». On peut remonter les menko jusqu’à la période Edo dans les années 1700 quand on trouvait des pièces de jeu rondes ou carrées en argile ou en plomb. La fabrication de menko en carton ou papier peut être retrouvée depuis la fin du 19ème siècle. Ces menko étaient imprimés, avec un envers vierge et étaient ronds. Certains étaient même peints à la main. En 1900 le Japon interdit l’usage de plomb dans les encres employées sur les menko pour des motifs sanitaires. En effet, il y eut plusieurs cas d’empoisonnement à Osaka, après que des enfants eussent léché leurs menko. Des menko sans plomb furent produits encore pendant une soixantaine d’années.

Dans les années 20 et 30 toutes sortes de nouvelles images ont fait leur apparition sur les menko, telles que des images religieuses, des dessins, des animaux, des acteurs de No ou des célébrités sportives. Les menko ont également pris de nouvelles formes à cette époque en raison de l’amélioration des techniques de fabrication. Certains étaient de longues bandes rectangulaires pour que les enfants puissent les emmener à l’école et s’en servir comme marque-page, d’autres étaient découpées sur la forme d’un rikishi ou d’un animal, et plus tard d’avions que l’on pouvait faire voler ou lancer dans les airs à l’aide d’élastiques. On les connaissait sous le nom de menko volants, et ils portaient généralement des entailles prévues pour l’élastique.

Les sumo menko n’ont commencé à percer véritablement qu’à partir des années 1940. Avant cela, la plupart des sumo menko n’étaient que des ensembles vendus dans les stades avant les tournois. Elles étaient de simples cartes montrant quasiment l’ensemble des rikishi de makuuchi dans leurs kesho mawashi avec un revers non imprimé. Elles ne servaient dans aucun jeu de menko. Le papier était très fin et elles ne pouvaient servir que d’objet de collection. Les véritables menko d’avant-guerre sont extrêmement difficiles à trouver en raison de la pénurie de papier qui sévit au Japon durant la guerre et du fait que beaucoup d’enfants rendirent les quelques menko en leur possession pour soutenir l’effort de guerre.

Les années entre la fin de la guerre et le milieu des années 1960 furent véritablement les années de gloire des sumo menko. Le boom économique d’après guerre fit que les enfants avaient plus d’argent à dépenser dans les menko, et de plus ensembles furent fabriqués par les compagnies de jouets. Kagome et Yamakatsu furent les grandes entreprises de l’époque, et pas moins de dix sociétés travaillaient dans l’impression de sumo menko. J’ai pu moi même voir plus de cent ensembles produits durant cette période de vingt années, et il y en a encore beaucoup d’autres. L’émergence de rikishi populaires tels que Tochinishiki et Wakanohana I (futurs yokozuna) engendra un boom du sumo que l’on peut dater aux environs de 1954.

Entre 1954 et le début des années 1960, durant ce qu’on appela l’ère Tochi-Waka, voilà la période dont on peut trouver le plus d’ensembles et, partant, le plus de cartes produites. Naturellement, la majorité des sumo menko encore en circulation aujourd’hui sont de cette période. Quelques autres raisons expliquent également ce boom des sumo menko, y compris le fait qu’avant cette période, les menko étaient destinés et fabriqués pour jouer à la bataille. L’impression et la qualité de fabrication étaient médiocres, et les enfants détruisaient leurs cartes à la bataille, ne pensant pas du tout à les conserver pour les collectionner ou simplement pour leur valeur esthétique. Au milieu des années 1950 toutefois, la qualité d’impression alla en s’améliorant, et beaucoup d’enfants choisirent de les collectionner plutôt que de jouer avec. Cette tendance se poursuivit jusqu’au milieu des années 1960, moment où le Japon subit des conditions économiques difficiles. Beaucoup d’enfants se mirent à consacrer alors plus de temps à leurs études, et le rôle des menko s’en vit réduit d’autant. Ceci, relié avec l’avènement du Japon en tant que puissance économique et industrielle mondiale de plus en plus avancée sur le plan technologique, fit des menko l’une des victimes collatérales, la télévision et les autres formes modernes de divertissement se chargeant de prendre la place de ces liens avec le passé. Signe de cet état de fait, il ne m’a jamais été donné de voir un menko daté postérieurement à 1965 !

Maintenant que j’ai parlé de l’histoire des menko, il faut discourir un peu sur le jeu qui fut joué par des millions de garçons, et parfois de filles, japonais. Il est en fait très simple et implique, pour faire simple, deux joueurs qui placent le menko de leur choix au sol, et essaient de prendre le menko de leur adversaire en le retournant à l’aide d’un menko plus lourd, ou « frappeur ». Si on retourne le menko dont on veut s’emparer mais que l’adversaire le retourne encore, la même règle s’applique. Quelques autres règles existaient encore, tout aussi populaires mains moins rudes. Les écrits « Gu-Choki-pa » au dos des cartes servaient pour faire une variante du « pierre ciseau papier ». Les enfants retournaient l’un de leur menko simultanément à un signal convenu. S’ils gagnaient, ils repartaient avec le menko de l’adversaire. Le jeu des « nombres combattants » était assez similaire, où l’on devait essayer de surpasser l’adversaire sur les nombres inscrit sur le menko. Par exemple, un joueur pouvait avoir un Nombre Combattant de 58786.sur son menko, et son adversaire le 777596587 sur le sien. S’ils combattaient sur le dernier chiffre, le garçon avec le 7 gagnait et remportait le menko de son adversaire. Il existait bien d’autres façons le lutter avec le Nombre Combattant, ceci n’est qu’un exemple.

J’espère que tout ceci a contribué à vous donner quelques bases, formant une fondation pour ce que nous étudierons dans les prochains mois. La prochaine fois nous perlerons de la façon d’entamer une collection de menko sumo et de quelques-unes des caractéristiques de cet objet. D’ici là…




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